LEXIE ♦ caparaçonnée de cynisme, mon coeur est châtré.

Assiégée à la table de la minuscule cuisine de son appartement, Flora penchait doucement sa tête pour convoiter le contenu de son assiette creuse avec sa cuillère. Elle cherchait désespérément la pâte en forme de ' A ' qui pourrait compléter son prénom en rejoignant les autres lettres qui occupaient la partie plate de l'assiette. Remuant doucement l'ustensile, elle sentit un regard extérieur se poser sur elle. Pourtant ses yeux ne décrochèrent pas de son déjeuner. La douceur de ce regard sur elle ne la gênait pas. Après avoir dégoter le précieux morceau du puzzle qu'elle cherchait, un grand sourire trôna sur ses lèvres rosées. Son regard remonta progressivement vers la silhouette plantée devant la table depuis un moment. Plongés, lui dans le bleu de ses yeux et elle dans le vert des siens, cet échange dura un moment. Ce visage qu'elle connaissait par cœur avait une emprise totale sur elle. Comme si le temps en l'espace d'un instant pouvait s'arrêter pour lui permettre de l'observer sans relâche. Elle finit par se ré intéressait à la cuillère qu'elle menait à sa bouche. Le silence ambiant ne témoignait en rien de la froideur de leur relation. Bien au contraire. Les phrases factices l'énervait plus qu'autre chose. Son bol déposait dans l'évier, la fine blonde se saisit de son paquet de cigarettes qui se trouvait sur la table. Elle en alluma une et tira une longue taffe sur le filtre brun pour ensuite expirer une volute de fumée vers le plafond. Sa bière était resté sur la table. Le bâton de tabac dans la même main que la petite bouteille de mousse, la belle se leva tout en prenant possession du goulot pour boire goulument la boisson rafraîchissante. Alors qu'elle s'apprêtait à quitter la pièce, un bras s'enroula autour de son corps tandis qu'une main ferme mais tendre empoigna sa hanche. Son corps fit tiré vers l'arrière pour se retrouver contre un autre semblable. Dans un geste brusque, elle balança sa cigarette sur la table avec la bière. Ses deux mains allèrent doucement s'immiscer dans la chevelure à boucles brunes de l'homme. Celui-ci souffla doucement sur la nuque de sa blonde alors que ses lèvres finir par se déposer sur son épaule dénudée. Le simple contact de ses lèvres sur sa peau la fie bouillonner d'un désir indéfinissable. Il la rendait folle. Progressivement, son buste se retourna vers lui. Ses mains quittèrent ses cheveux pour descendre jusqu'à sa nuque qu'elle prit dans le creux de ses mains. Les doigts de ses deux mains s'entremêlaient. Ils ne quittaient pas le visage respectif de l'autre. Ses lèvres, son nez, son teint, ses yeux ... Elle qui était si froide, réservée, si stable et calme, elle qui ne laissait transparaître aucunes sortes d'émotions ... Face à lui elle était comme nue. L'effroi de cette sensation ne lui avait pas fait renoncer à ce bien-être. Ce qu'elle entendait par bien-être était le simple fait qu'il la sert dans ses bras, qu'il lui caresse les cheveux, qui la regarde jusqu'à qu'elle détourne le regard pour ne pas qu'elle prononce les trois mots qu'elle n'avait jamais pu dire. Il était son maître. Elle était soumise à lui. Ça la terrorisait, l'angoissait, l'horrifiait, la tuait, l'achevait, la faisait se rendre humaine ... Mais elle devait se rendre à l'évidence. Elle aimait. Pour la première fois. C'était grave. Mais beau. Ses lèvres ne résistèrent pas à l'envie des siennes. Un baiser langoureux s'engagea. Il la fit reculer jusqu'à la table sur laquelle il l'allongea, après avoir dégager de son bras la bouteille qui s'écrasa dans un fracas sur le sol. Imperturbables. Il baisa tendrement son cou. Flora ferma les yeux, profitant de chaque baisers qu'il lui offrait. Elle n'avait jamais ressenti pareille envie. Ses ongles s'enfonçaient progressivement dans sa douce chaire, n'hésitant pas à laisser des traces. Comme pour marquer son territoire. Personne n'avait à présent le droit de le désirer, ni même de songer à le désirer. Elle le voulait pour elle toute seule. Pourquoi était-elle obligée d'être autant attachée à lui ? Elle n'en savait rien. La douceur de ses caresses. Lèvres contre lèvres, un plaisir incontrôlable naquit au creux de son ventre. Entre deux échanges, un murmure bourdonna dans les oreilles de la blonde:

adrien - « je t'aime gabbin, je crois ... »

Son sang se figea à cet instant. Comment avait-il pu lui délivrer ses mots ? Pourquoi maintenant ? Elle n'était pas prête à assumer cette affection naissante. Elle se dégagea de son emprise pour se redresser quelque peu. Son regard n'osa plus croiser le sien. Son cœur battait à la chamade, tandis que sa tête lui empêchait de lui dire. Elle avait envie de lui hurler qu'elle aussi. Qu'elle l'avait dans la peau depuis leurs ébats chargés de tendresse et de passion. Mais elle se le refusait. Flora, ma douce, n'es-tu faite que pour détruire le peu de bonheur qui survient dans ta vie ? Elle quitta la pièce. Pour fuir ses responsabilités. Elle enfila un trench beige qu'elle noua grâce à la ceinture sur ses sous-vêtements rouge sang et s'en alla. Ses pieds nus gelaient dans les rues froides, sur le béton, mais elle s'en fichait. Elle airait parmi les gens. Un sourire cerné par de lourdes larmes sur le visage. Cette joie, ce bouleversement. Elle ne savait plus à quel saint se vouer. Les gens se retournaient sur son passage. Elle ne les regardait même pas. Son visage composé de tant d'émotions déambulait dans le froid glacial de l'hiver. Elle entraperçu son reflet dans une vitrine. Pitoyable. Mais c'était le moment le plus merveilleux de son existence. Elle ne pouvait pas éclater de joie, mais intérieurement un feu d'artifices réanimait son cœur meurtri par toutes ses années de défonce, d'abandon, de rue, de merde ... Elle continua de tracer son chemin, la tête haute et le regard serein malgré les gouttes d'eau salées sur ses joues rosées par l'hiver glacial.


Ses pas l'avaient menée jusqu'aux toilettes publics. Elle se contemplait dans le miroir. Elle avait toujours pris ses décisions seule et aujourd'hui elle aurait tellement voulu avoir l'avis d'une personne extérieure. Mais elle était seule.Elle n'avait plus que lui et elle ne le réalisait même pas. La blonde recouvrit son visage d'eau fraîche qu'elle épongea par la suite avec du papier bas de gamme. Elle respira lourdement, comme si tout le poids du monde reposait sur ses épaules, et songea. A ce qu'elle devait faire, ce qu'elle devait se retenir ou pas de dire. Elle était à un tournant de sa vie. Ça pouvait paraître excessif pour certain, mais pourtant. Elle dégagea les cheveux qui lui tombait dans les yeux. Et se contempla. Courage ma grande. Après quelques minutes d'hésitation, un sourire incontrôlé se refléta dans la glace. Elle allait le faire. Elle allait lui dire qu'elle l'aimait, qu'elle voulait vivre avec lui. Elle allait tout lui avouer. Démentir le fait qu'elle vient d'une famille pauvre. Lui avouer que ses parents sont des cons de bourgeois qu'elle a quitté à ses 16 ans, qu'elle a été une vulgaire prostituée, qu'elle s'est droguée, qu'elle n'a jamais été travaillé de sa vie. Mais qu'elle est sortie de l'ombre grâce à lui. Qu'il est le soleil de ses journées et que même si elle n'est pas Shakespeare elle l'aimait démesurément. Elle était tellement fière d'elle à cet instant qu'elle croyait presque que Dieu pouvait exister. Elle dégage les larmes de bonheur qui avait coulé et allait partir. Mais ses yeux restaient fixés sur le miroir. Son sourire finit par se brouillait alors qu'un horrible rictus prenait place sur son doux visage. La peur l'envahit peu à peu. Mais rien ne laissait paraître qu'elle était dans un état d'affolement. Elle essayait de se dégager d'une force étrange qui s'emparait de son bras tandis qu'elle sentit peu à peu ses forces l'abandonnaient et qu'elle passa au travers de la ridicule glace carré des chiottes de Londres.

Elle s'était réveillée plusieurs heures après son périple. Un mal de tête la foudroya tandis qu'elle fut stupéfaite par ce qui l'entourait. Elle espérait que cela n'était qu'un mauvais rêve. Bizarrement, elle avait l'impression d'avoir la tête vide. Elle n'avait plus aucuns souvenirs de ce qu'elle avait bien pu faire avant de s'éveiller ici. Son attention fut alors retenu par des bruits de pas. Elle se leva et marcha à pas lent se réfugier derrière une grande bâtisse n'ayant en aucuns cas l'envie de faire des politesses ou ni même de présenter sa personne , sans qu'elle sache réellement ce qu'il se passe. Il y a deux catégories de gens: ceux qui accepte l'irréelle, l'incompréhensible et ceux qui cherche toujours un point rationnel dans l'histoire pour ne pas lâcher prise, pour ne pas se sentir déstabiliser. Flora fait bien évidement partit de la deuxième catégorie. Alors ma belle, l'as-tu trouvé ton repaire pour ne pas succomber à la folie ?